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Résoudre les conflits entre actionnaires : guide pratique

Introduction à la gestion des conflits entre actionnaires

Lorsque des conflits surviennent au sein de l’actionnariat d’une société, mais que cette dernière reste économiquement viable, il peut être recommandé d’intenter une action en exclusion ou en retrait pour débloquer la situation.

Ces actions constituent alors une alternative à la dissolution judiciaire pour juste motif.

L’action en exclusion : pour protéger l’intérêt de l’entreprise

L’action en exclusion a pour but de protéger l’intérêt de la société en excluant de cette dernière l’actionnaire à l’origine du différend.

L’action en retrait : pour protéger l’intérêt de l’actionnaire

L’action en retrait permet à un actionnaire d’en contraindre un autre à lui racheter l’ensemble de ses titres. La finalité de l’action en retrait n’est alors pas de protéger l’intérêt de la société, mais celui de l’actionnaire qui l’intente.

Actions réservées aux SA et SRL

Ces deux actions ne sont possibles que dans les sociétés anonymes (SA) et les sociétés à responsabilité limitée (SRL).

Conditions pour initier une action d’exclusion ou en retrait entre actionnaires

Action en exclusion: conditions préliminaires

Conformément à l’article 2:63 du Code des sociétés et des associations (CSA), les actionnaires souhaitant introduire une action en exclusion doivent détenir ensemble:

– des titres représentant 30 % des voix attachées à l’ensemble des actions (pour les SA et les SRL) ;

– des actions dont la valeur nominale ou le pair comptable (c’est-à-dire le montant du capital divisé par le nombre total d’actions) représente 30 % du capital de la société (pour les SA uniquement) ;

– des titres auxquels 30 % des droits aux bénéfices sont attachés (pour les SRL uniquement).

Justifier l’action en exclusion : les justes motifs

Toujours en vertu de l’article 2:63 du CSA, l’action en exclusion peut uniquement être intentée pour de “justes motifs”.

Il y a juste motif lorsque le maintien dans la société de l’actionnaire envers qui l’action en exclusion est dirigée met en danger la continuité de celle-ci.

Il ne faut alors pas nécessairement que le motif invoqué soit un comportement fautif ou illégal. Toutes les situations qui entravent la poursuite normale des affaires sociales peuvent ainsi constituer des justes motifs (CSA, article 2:73).

Les justes motifs peuvent par exemple être constatés dans les cas suivants :

– un actionnaire ou un associé manque gravement à ses obligations ;

– la mésentente grave et durable des actionnaires ou des associés (CSA, article 2:73) ;

– abus de biens sociaux ;

– refus d’une augmentation de capital qui met la société en difficulté.

L’actionnaire introduisant l’action en exclusion doit être en mesure de prouver ces justes motifs d’où la nécessité de documenter ceux-ci (e-mails, courriers, procès-verbaux d’assemblées générales etc.).

Les justes motifs causant un préjudice personnel dans l’action en retrait

Dans le cadre d’une action en retrait, les justes motifs doivent avoir causé un préjudice personnel à l’actionnaire qui l’intente.

Exemples :

– l’absence systématique de convocation à l’assemblée générale ;

– l’attribution d’une rémunération particulièrement élevée aux administrateurs de la majorité ;

– la non-distribution de dividendes pendant plusieurs années alors que la société dispose de suffisamment de réserves distribuables qui ne lui sont pas utiles ;

– l’impossibilité pour les actionnaires d’exercer leur droit à l’information et au vote .

Ici encore, l’actionnaire introduisant l’action en retrait doit être en mesure de prouver ces justes motifs.

Ce dernier veillera donc à conserver tous les éléments de preuve (e-mails, procès-verbaux d’assemblées générales etc.)

Action en exclusion: restrictions de transfert des actions pendant le conflit

Si une action en exclusion est intentée, il sera interdit au défendeur d’aliéner ses titres pendant toute la durée de la procédure, sauf si le juge ou les parties à la cause ont marqué leur accord pour que les titres soient aliénés (CSA, article 2:65).

Il n’y a pas d’interdiction similaire dans le cadre de l’action en retrait.

Prévenir les conflits entre actionnaires : conseils utiles

Bien que les conflits d’actionnaires puissent être complexes à gérer, avoir une bonne compréhension des procédures d’exclusion et de retrait, ainsi que leur mise en application judicieuse, peut s’avérer crucial pour la survie et le succès d’une société.

Un aspect essentiel à considérer est l’insertion de clauses préventives dans les statuts de la société ou dans une convention d’actionnaires. Par exemple, vous pouvez envisager :

Utilisation d’une option d’achat en cas de blocage

Une clause statutaire peut conférer une option d’achat aux actionnaires en cas de blocage lors d’une assemblée générale. Cela signifie qu’un actionnaire peut être autorisé à racheter les actions de l’autre en cas de désaccord majeur.

Recours à la médiation pour résoudre les conflits

Une clause de médiation peut aider à résoudre les conflits avant qu’ils n’atteignent un point critique et éviter ainsi le recours à une action en exclusion ou en retrait.

Prévoir une clause d’évaluation des actions dans les statuts

De plus, si malgré ces mesures, une action en exclusion ou en retrait devient nécessaire, il peut être judicieux de prévoir une clause d’évaluation des actions dans les statuts. Cette clause devrait préciser la méthode d’évaluation de la valeur des actions au cas où le juge déciderait que les actions d’un actionnaire doivent être rachetées.

Consultez un professionnel

En raison de la complexité de ces problématiques, il est fortement recommandé de consulter un professionnel du droit des sociétés pour obtenir des conseils adaptés à votre situation spécifique.

Rencontrez les auteurs

Jonathan TORO

Jonathan TORO exerce en tant qu'avocat au Barreau de Bruxelles depuis 2005. Ayant acquis de nombreuses années d'expérience au sein d'un important cabinet juridique belge, Jonathan accompagne un grand nombre d'entreprises en matière de droit des sociétés, droit commercial, droit du travail et droit de l'immobilier, aussi bien sur le plan national qu'international

Maroua ALEKMA

Maroua ALEKMA a suivi un cursus universitaire pluridisciplinaire fortement axé sur le droit des affaires. Elle est titulaire d'un master en droit international obtenu à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) et d'un master en droit de l'Union Européenne délivré par l'Université de Lorraine (Nancy). Maroua a enrichi la communauté S-Team de son expertise et de son enthousiasme.

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