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Administrateurs et conflits d’intérêts

1. Conflits d’intérêts dans les entreprises

Les conflits d’intérêts surviennent lorsque le conseil d’administration doit prendre une décision qui pourrait avantager un ou plusieurs administrateurs au détriment de l’entreprise. 

Pour éviter que l’intérêt de l’administrateur ne l’emporte sur celui de l’entreprise, une procédure spécifique prévue par le Codes sociétés et des associations (CSA) doit être suivie, avec des sanctions sévères en cas de non-respect des règles applicables (articles 5 :76 à 5 :78 du CSA pour la SRL, article 7 :96 pour la SA et articles 6:64 à 6:66 pour les sociétés coopératives). 

Les conflits d’intérêts visés par le législateur peuvent être directs ou indirects.

1.1. Exemple de conflits d’intérêts direct

Un administrateur vend un bien à l’entreprise, cherchant à obtenir le prix le plus élevé, contrairement aux intérêts de l’entreprise, laquelle souhaite obtenir le prix le plus bas possible.

1.2. Exemple de conflit d’intérêts indirect

Une société, dont un administrateur détient la majorité des actions, conclut un contrat de prêt avec une autre entreprise où cet administrateur exerce son mandat. L’administrateur souhaite un taux d’intérêt élevé pour sa société, tandis que l’autre entreprise préférerait un taux d’intérêt plus bas.

2. Domaine d’application des procédures de conflit d’intérêts

La procédure de conflit d’intérêts est limitée :

  • aux sociétés anonymes, aux sociétés à responsabilité limitée et aux sociétés coopératives;
  • aux administrateurs (les délégués à la gestion journalière en sont dispensés);
  • aux conflits de nature patrimoniale (liés à la transmission de biens).

3. Exclusions de la procédure de conflit d’intérêts

La procédure ne s’applique pas aux ventes de biens dans les situations suivantes :

  • Lorsque les décisions ou les opérations de l’organe d’administration concernent des décisions ou des opérations entre sociétés, et qu’une des deux sociétés détient directement ou indirectement au moins 95 % des voix attachées à l’ensemble des titres émis par l’autre société.
  • Lorsque les décisions ou les opérations de l’organe d’administration concernent des décisions ou des opérations entre sociétés, et que 95 % ou plus des voix attachées à l’ensemble des titres émis par chacune de ces sociétés sont détenues par une autre société.
  • Lorsque les décisions de l’organe d’administration portent sur des opérations courantes conclues dans des conditions et avec les garanties normales du marché pour des opérations de même nature.

4. Procédure à suivre en cas de conflit d’intérêts

En cas de conflit d’intérêts, la procédure suivante doit être respectée:

  • L’administrateur concerné doit informer les autres administrateurs avant la décision.
  • Il doit se retirer de la réunion et ne pas participer au vote.
  • L’organe d’administration doit rédiger un procès-verbal ou un rapport spécial décrivant l’opération, justifiant la décision et les conséquences financières pour l’entreprise.

Cette partie du procès-verbal ou ce rapport doit figurer dans son intégralité dans le rapport de gestion ou dans une pièce qui est déposée en même temps que les comptes annuels.

Dans les sociétés où un commissaire est nommé, ce dernier doit être informé du conflit d’intérêts et décrire dans son rapport les conséquences patrimoniales de cette décision ou opération pour la société. Dans les SRL, lorsque l’administrateur unique est également l’actionnaire unique, il peut prendre la décision ou réaliser l’opération lui-même.

La décision doit toutefois être prise par l’assemblée générale dans les deux cas suivants :

  • Lorsque tous les administrateurs de la société ont un conflit d’intérêts.
  • Lorsque la société est administrée par un administrateur unique qui n’est pas l’actionnaire unique et qui a un conflit d’intérêts.

Dans ces hypothèses, l’assemblée générale doit également établir un procès-verbal ou un rapport spécial et respecter les mêmes règles que celles qui s’imposent à l’organe d’administration et décrites ci-dessus.

5. Sanctions

La violation de ces règles peut entraîner la nullité des décisions prises ou des opérations effectées si l’autre partie à ces décisions ou opérations avait ou devait avoir connaissance de cette violation.

Les administrateurs peuvent engager leur responsabilité pour tout préjudice causé à l’entreprise ou aux tiers.

Ces derniers peuvent également être tenus responsables en cas de préjudice causé à l’entreprise ou aux tiers, même si la procédure légale relative à la prévention des conflits d’intérêts a été respectée.

Cette responsabilité peut en effet être engagée si l’opération conforme à la procédure a procuré à un ou plusieurs administrateurs un avantage financier abusif au détriment de l’entreprise.

Enfin, le non-respect de la procédure en matière de conflits d’intérêts peut dans certains cas être considéré comme une faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite de l’entreprise.

6. Conseils pratiques

Pour gérer efficacement un conflit d’intérêts, il est donc essentiel pour les administrateurs de suivre les règles et procédures établies par le CSA afin d’écarter les risques de nullité des décisions prises et d’engagement de leur responsabilité.

Voici quelques recommandations :

  • L’organe d’administration peut établir une charte reprenant les obligations de tous les administrateurs en matière de conflit d’intérêts et qui pouraient être signée par ces derniers.
  • Si vous êtes à la fois administrateur et actionnaire dans une même entreprise, vous pouvez faire usage de votre droit de poser des questions à l’organe d’administration pendant l’assemblée générale pour mettre en lumière d’éventuels conflits d’intérêts.
  • En cas de doute sur l’existence d’un conflit d’intérêts, il peut être prudent de s’abstenir de participer aux débats.

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Jonathan TORO

Jonathan TORO exerce en tant qu'avocat au Barreau de Bruxelles depuis 2005. Ayant acquis de nombreuses années d'expérience au sein d'un important cabinet juridique belge, Jonathan accompagne un grand nombre d'entreprises en matière de droit des sociétés, droit commercial, droit du travail et droit de l'immobilier, aussi bien sur le plan national qu'international

Maroua ALEKMA

Maroua ALEKMA a suivi un cursus universitaire pluridisciplinaire fortement axé sur le droit des affaires. Elle est titulaire d'un master en droit international obtenu à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) et d'un master en droit de l'Union Européenne délivré par l'Université de Lorraine (Nancy). Maroua a enrichi la communauté S-Team de son expertise et de son enthousiasme.

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