Après l’examen de la responsabilité découlant du « wrongful trading » (poursuite déraisonnable de l’activité) permettant de faire supporter tout ou partie des dettes sociales de l’entreprise sur le patrimoine des dirigeants, nous abordons la question de la faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite consacrée à l’article XX.225 du Code de droit économique (CDE).
À l’instar de la poursuite déraisonnable de l’activité, ce chef de responsabilité permet également de recouvrir tout ou partie des dettes sociales sur les biens du dirigeant.
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Est-ce que tous les dirigeants sont concernés ?
Non. Cette responsabilité n’est pas applicable aux dirigeants de petites sociétés.
Par « petite société », il faut entendre celle qui a réalisé au cours des trois exercices qui précèdent la faillite (ou au cours de tous les exercices si celle-ci a été constituée depuis moins de trois ans), un chiffre d’affaires moyen inférieur à 620.000 euros hors TVA et dont le total du bilan du dernier exercice n’a pas dépassé 370.000 euros.
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Quelles sont les conditions ?
- La faillite de la société doit avoir été prononcée
- L’actif doit être insuffisant pour combler le passif
- Il faut une faute grave et caractérisée du dirigeant, c’est-à-dire celle qu’un dirigeant raisonnablement prudent et diligent n’aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société. À titre d’exemples, l’on citera: (i) l’absence de toute forme de comptabilité ou la comptabilité manifestement incomplète, (ii) le non-paiement des charges sociales et fiscales comme mode de financement délibéré choisi par les dirigeants, (iii) les détournements effectués au préjudice de la société et (iv) la fraude fiscale grave
- Cette faute doit (simplement) avoir contribué à la faillite. Elle ne doit donc pas être la cause directe et nécessaire de la faillite (dommage) par dérogation aux règles générales de la responsabilité civile.
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Qui est visé ?
Les administrateurs, gérants, délégués à la gestion journalière, membre du comité de direction ou du conseil de surveillance, actuel ou ancien, et les administrateurs de fait, c’est-à-dire toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer l’entreprise.
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Qui peut agir ?
Le curateur nommé par le Tribunal de l’entreprise ou, subsidiairement, un créancier de la société.
En effet, ce dernier ne peut introduire son action que si le curateur ne l’introduit pas lui-même dans un délai d’un mois après qu’il ait été sommé de le faire par le créancier.
S’il introduit la procédure judiciaire, le créancier est tenu d’informer le curateur, lequel pourra ultérieurement intervenir à la cause. Dans cette hypothèse, le curateur sera de plein droit réputé poursuivre l’action du créancier à la place de ce dernier.
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Quel sort pour les frais de justice du créancier qui décide d’agir ?
Le créancier sera indemnisé de ses frais de justice si le curateur intervient.
Si ce dernier n’intervient pas, le créancier pourra uniquement être indemnisé de ses frais et dépens si son action a été bénéficiaire pour la masse des créanciers.
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Comment est répartie l’indemnisation entre les créanciers ?
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Cas d’une diminution ou d’une absence d’actif
L’indemnisation répartie proportionnellement entre les créanciers moyennant le respect des causes légitimes de préférence sur cet actif (exemples : hypothèque, gage, gage sur fonds de commerce etc.).
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Cas d’une aggravation du passif
L’indemnisation est répartie proportionnellement entre les créanciers sans tenir compte des causes légitimes de préférence.
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Frais de la masse
Dans les deux cas, toutes les répartitions sont effectuées après déduction des frais de la masse.
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Si votre responsabilité est retenue, devez-vous nécessairement supporter l’entièreté des dettes sur votre patrimoine personnel ?
Non. Si votre responsabilité est retenue, le juge saisi du litige dispose d’une marge d’appréciation pour fixer la part du passif que vous devrez supporter. Cette part ne correspondra pas nécessairement à la totalité du passif. Tout dépendra de la gravité du manquement.