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Clause de non-concurrence en Belgique (2025) — Guide complet

Introduction

La clause de non-concurrence post-contractuelle est une disposition fréquemment utilisée dans les contrats de travail, de représentation commerciale et d’agence. Elle vise à protéger l’employeur ou le commettant contre le risque qu’un ancien collaborateur, salarié ou agent, utilise les connaissances acquises au sein de l’entreprise pour exercer une activité concurrente.

Son régime juridique varie selon qu’elle s’applique aux travailleurs salariés, au représentant de commerce, à l’agent commercial indépendant, ou encore dans le cadre du droit commercial général et du droit européen de la concurrence.


I. La clause de non-concurrence des travailleurs salariés

A. La clause « commune » (tous les salariés sauf exceptions)

Pour une analyse détaillée : clause de non-concurrence applicable aux salariés.

1. Conditions de validité

Pour être valable, une clause de non-concurrence dans un contrat de travail doit remplir cumulativement plusieurs conditions (articles 65, 86 et 104 à 106 de la loi du 3 juillet 1978) :

  • Être constatée par écrit ;
  • Concerner un contrat dont la rémunération annuelle brute dépasse 43.106 EUR (au 1er janvier 2025) :
    • Entre 43.106 EUR 86.212 EUR : valable uniquement si une convention collective de travail prévoit expressément son application pour certaines fonctions (par exemple dans le secteur de l’hôtellerie).
    • Au-delà de 86.212 EUR : valable sauf si une convention collective de travail exclut certaines fonctions.
  • Se rapporter à des activités similaires ;
  • Être limitée géographiquement aux lieux où une concurrence réelle est possible (jamais hors du territoire national) ;
  • Ne pas dépasser 12 mois après la fin du contrat ;
  • Prévoir une indemnité compensatoire forfaitaire au bénéfice du travailleur si l’employeur n’y renonce pas dans les 15 jours suivant la rupture (au moins la moitié de la rémunération brute correspondant à la durée d’application de la clause).

Si une seule condition n’est pas remplie, la clause est nulle.

2. Effets juridiques

La clause produit ses effets uniquement si la rupture intervient après six mois d’exécution du contrat et dans les cas suivants :

  • Licenciement pour faute grave du travailleur ;
  • Démission sans faute grave de l’employeur ;
  • Rupture de commun accord ;
  • Arrivée du terme ou achèvement du travail défini.

Elle ne produit aucun effet :

  • En cas de rupture durant les six premiers mois ;
  • Après six mois, en cas de licenciement sans faute grave (exemple : motif économique) ;
  • Après six mois, en cas de démission pour faute grave de l’employeur.

3. Sanction

En cas de violation d’une clause valable, le travailleur doit :

  • Rembourser l’indemnité compensatoire ;
  • Verser une somme équivalente à titre de dédommagement (ajustable par le juge).

B. La clause « dérogatoire » pour certains employés

Elle est possible dans les entreprises à dimension internationale ou disposant d’un service de recherche interne. Elle peut prévoir :

  • Une durée supérieure à 12 mois ;
  • Une interdiction de concurrence à l’étranger.

Référence : CCT n°1bis du 21 décembre 1978.


C. Le représentant de commerce

Pour plus de détails : clause de non-concurrence applicable aux représentants de commerce.

1. Indemnité d’éviction

L’employeur doit verser une indemnité d’éviction au représentant licencié qui a apporté une clientèle. La présence d’une clause de non-concurrence crée une présomption d’apport de clientèle.

2. Conditions de validité

  • Rémunération brute annuelle supérieure à 43.106 EUR (au 1er janvier 2025) ;
  • Activités similaires ;
  • Durée maximale de 12 mois ;
  • Territoire limité à la zone d’activité ;
  • Clause constatée par écrit.

3. Effets juridiques

  • Non applicable durant les six premiers mois ;
  • Après six mois : pas d’effet en cas de licenciement sans faute grave ou de démission pour faute grave de l’employeur.

4. Sanction

  • Indemnité forfaitaire plafonnée à trois mois de rémunération ;
  • L’employeur peut réclamer davantage en prouvant le préjudice.

II. La clause de non-concurrence de l’agent commercial

Voir l’article dédié : clause de non-concurrence applicable aux agents commerciaux.

A. Indemnité d’éviction

L’agent bénéficie d’une indemnité d’éviction (article X.18 CDE). La clause crée une présomption d’apport de clientèle.

B. Conditions de validité

  • Clause écrite ;
  • Concerne uniquement les affaires traitées par l’agent ;
  • Limitation au secteur géographique et aux clients confiés ;
  • Durée maximale de six mois après la fin du contrat.

C. Effets juridiques

  • Inapplicable si le contrat est rompu par le commettant sans faute grave ou sans circonstances exceptionnelles ;
  • Inapplicable si l’agent met fin au contrat pour faute grave du commettant.

D. Sanction

  • Indemnité prévue contractuellement (souvent forfaitaire) ;
  • Plafond d’une année de rémunération (article X.22 CDE) ;
  • Le commettant peut demander réparation intégrale en prouvant le préjudice.

III. La clause de non-concurrence en droit commercial général

À lire également : clause de non-concurrence en droit commercial.

En droit commun, la liberté de concurrence est d’ordre public. Cependant, une clause peut être valable si elle respecte :

  • Une durée limitée (condition temporelle) ;
  • Un territoire défini (condition spatiale) ;
  • Une activité précise (condition matérielle).

Elle doit aussi être proportionnée et justifiée par un intérêt légitime.

En principe, une clause non conforme est nulle. Mais la Cour de cassation (23 janvier 2015, C.13.0579.N) admet que le juge puisse limiter la nullité si :

  • Une nullité partielle est possible ;
  • La loi ne l’interdit pas ;
  • L’intention des parties le permet (clause de sauvegarde).

IV. La clause de non-concurrence en droit européen

L’article 101 TFUE interdit les accords restreignant la concurrence, sauf exceptions prévues au §3 (amélioration de la production, progrès technique, bénéfice pour les consommateurs, proportionnalité).

Accords horizontaux et verticaux

  • Horizontaux : accords entre concurrents ;
  • Verticaux : accords entre acteurs de la chaîne (franchise, distribution exclusive, agence commerciale).

Les accords verticaux échappent à l’interdiction s’ils respectent le règlement (UE) n°330/2010 et n’incluent pas de « restrictions caractérisées » :

  • Clauses de non-concurrence illimitées ;
  • Clauses dépassant cinq ans (ou un an pour la franchise).

Conclusion

La clause de non-concurrence est un outil juridique essentiel mais strictement encadré. Sa validité dépend du statut du travailleur ou de l’agent, de la durée, du territoire, de la proportionnalité et du respect des règles nationales et européennes de concurrence.

Avant d’intégrer une telle clause dans un contrat, il est recommandé de vérifier sa conformité légale pour éviter la nullité ou les litiges ultérieurs.

Pour toute question sur la rédaction ou la validité d’une clause de non-concurrence en Belgique ou au niveau européen, contactez notre équipe d’avocats spécialisés en droit social et droit commercial.

L'auteur

Jonathan TORO

Avocat au Barreau de Bruxelles depuis 2005, Jonathan TORO est spécialisé en droit de l’entreprise. Il accompagne les entrepreneurs et PME pour sécuriser leurs contrats et résoudre leurs litiges, avec une approche claire et pragmatique.