Acomptes sur dividendes en Sociétés Anonymes

Introduction : Comprendre la Distribution d’Acomptes sur Dividendes

Les actionnaires d’une société anonyme ont la possibilité de percevoir une avance sur leur dividende. Cet acompte, distribué en cours d’exercice, sera déduit des bénéfices de l’exercice en question. Toutefois, cette distribution peut affecter les fonds propres de la société et est donc réglementée par le Code des sociétés et des associations (CSA).

Organes de Distribution des Acomptes sur Dividendes

L’organe d’administration peut distribuer des acomptes sur dividendes à condition d’y être autorisé par les statuts (CSA, art. 7:213, al. 1er). Néanmoins, l’assemblée générale peut également intervenir, en se basant sur sa compétence générale en matière de distribution des bénéfices sous la forme de dividendes.

Conditions à Respecter pour la Distribution d’Acomptes sur Dividendes

  • Autorisation Statutaire

Le Conseil d’Administration doit avoir reçu une délégation dans les statuts pour distribuer un acompte sur dividendes (CSA, art. 7:213, al. 1er).

  • Test de l’Actif Net & Certification par un Commissaire aux Comptes :

Avant toute distribution, un test de l’actif net est nécessaire (CSA, art. 7:212).

L’organe d’administration doit s’assurer que les bénéfices disponibles sont suffisants pour la distribution.

Plus précisément, la distribution ne peut être effectuée si l’actif net est, ou deviendrait, à la suite d’une telle distribution, inférieur au montant du capital libéré ou, si ce montant est supérieur, du capital appelé, augmenté de toutes les réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer.

De plus, cet organe doit établir une situation active et passive, laquelle doit être certifiée par un commissaire aux comptes (CSA, art. 7:213, al. 3).

  • Délai de Distribution

Après avoir évalué la situation financière, l’organe d’administration a deux mois pour décider de la distribution (CSA, art. 7:213, al. 5).

  • Période de Prélèvement :

L’acompte peut être prélevé soit sur l’exercice en cours, soit sur l’exercice précédent, à condition que les comptes annuels de cet exercice n’aient pas été approuvés.

Gestion des Excédents d’Acomptes sur Dividendes

Si l’acompte dépasse le montant du dividende fixé ultérieurement, l’excédent sera déduit du dividende de l’année suivante (CSA, art. 7:213, al. 6).

Sanctions en cas de Violation des Règles

Les actionnaires et administrateurs doivent être prudents. En cas de distribution irrégulière, les actionnaires pourraient devoir rembourser les acomptes, et les administrateurs pourraient être passibles d’amendes (CSA, art. 7:232, 2°).

Distribution d’Acomptes dans les SRL

Le CSA autorise également les SRL à distribuer des acomptes sur dividendes à des conditions similaires, mais en respectant des tests de solvabilité et de liquidité spécifiques.

Faillite et Dettes ONSS : La Responsabilité des Dirigeants

La responsabilité des dirigeants en cas de faillite : Dettes ONSS

En cas de faillite, il est possible, sous certaines conditions, de rendre les dirigeants personnellement et conjointement responsables de ces dettes, conformément à l’article 226 du Code de Droit Économique (CDE).

Quels dirigeants peuvent être tenus pour responsables des dettes de l’ONSS ?

La portée de la responsabilité envers les dettes ONSS échues est extrêmement étendue.

Chaque dirigeant d’entreprise peut être tenu pour responsable à titre personnel et conjoint, soit :

  • Les administrateurs désignés par l’assemblée générale ;
  • Les administrateurs de fait (individus qui contrôlent réellement la société sans nomination officielle en tant qu’administrateur, comme par exemple les conjoints impliqués dans la gestion de l’entreprise) ;
  • Les responsables de la gestion journalière (individus en charge de la gestion quotidienne de la société) ;
  • Les membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance.

Quels types d’entreprises sont soumis à ce régime de responsabilité ?

Ce régime de responsabilité s’applique à toutes les entreprises en faillite, quelles que soient leur forme juridique.

Dans quelle mesure le dirigeant est-il responsable sur son patrimoine personnel ?

La responsabilité des dirigeants pour les dettes de sécurité sociale peut être établie sans nécessité de prouver une quelconque faute de leur part.

Elle sera engagée si les trois conditions suivantes sont réunies :

  • Ils ont déjà été associés à au moins deux faillites ou liquidations au cours des cinq années précédant la faillite de leur entreprise actuelle.
  • Ils ont été administrateurs, membres ou anciens membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, ou administrateurs de fait lors de ces faillites ou liquidations précédentes.
  • Durant les faillites ou liquidations précédentes où ils étaient impliqués, des dettes de sécurité sociale sont demeurées impayées.

Conseils pratiques pour les dirigeants

Afin d’éviter les complications et les risques de responsabilité personnelle, voici quelques conseils :

  • Soyez attentif à la gestion financière de votre entreprise. La prévention est la meilleure stratégie. Assurez-vous que votre entreprise respecte ses obligations sociales et fiscales en payant toutes les dettes en temps voulu.
  • Si votre entreprise est en difficulté financière, n’hésitez pas à consulter un expert en droit des affaires ou un conseiller financier. Ils pourront vous aider à naviguer à travers les options légales et financières pour sauvegarder votre entreprise et préserver votre patrimoine personnel.
  • Faites preuve de prudence avant de vous impliquer dans d’autres entreprises qui peuvent potentiellement faire faillite. Rappelez-vous que si vous avez été impliqué dans plusieurs faillites précédentes, votre responsabilité personnelle peut être engagée pour les dettes sociales impayées.
  • Enfin, restez informé. Connaître vos droits et obligations en tant que dirigeant peut vous aider à éviter des erreurs coûteuses et à minimiser les risques.

Les clauses restreignant la cessibilité des titres

1. Introduction

En vertu de l’article 7:78, § 1er, alinéa 1er du Code des sociétés et des associations (ci-après, « CSA »), « les statuts, les conditions d’émission de titres ou les conventions peuvent limiter la cessibilité entre vifs ou la transmissibilité à cause de mort des actions, des droits de souscription ou de tous autres titres donnant accès à des actions ». Il est donc tout à fait courant que les statuts ou les conventions d’actionnaires comportent des clauses qui restreignent la cessibilité des titres.

Ces clauses peuvent prendre différentes formes pour s’adapter à la grande diversité de situations dans lesquelles elles peuvent se rencontrer[1].

Les actionnaires qui souhaitent avoir recours à ces clauses sont, par exemple, souvent motivés par une volonté d’assurer la stabilité de l’actionnariat de contrôle et d’éviter l’arrivée d’un tiers indésirable dans le capital si les actionnaires souhaitent préserver le caractère familial de la société.

Dans les cas où la cession porterait sur des actions qui n’ont pas été entièrement libérées, ces clauses permettent d’opérer un contrôle de la solvabilité de l’acquéreur potentiel au bénéfice de la société. Les clauses peuvent également avoir pour finalité de renforcer la protection d’un ou plusieurs actionnaires minoritaires[2], etc.

Ainsi, les clauses restreignant la cessibilité des titres peuvent prendre différentes formes selon l’objectif poursuivi par les actionnaires.

2. La clause d’inaliénabilité

2.1 Définition

Une clause d’inaliénabilité (ou clause de « blocage » ou « d’incessibilité ») permet d’interdire à tous les actionnaires ou seulement à une partie d’entre eux de céder tout ou partie de leurs titres pendant un délai qui a été contractuellement défini [3].

2.2. Conditions de validité

En vertu de l’article 7:78, § 1er, alinéa 2 du CSA, « les clauses d’inaliénabilité doivent être justifiées par un intérêt légitime, notamment en ce qui concerne leur durée. Les clauses d’inaliénabilité d’une durée indéterminée peuvent à tout moment être dénoncées moyennant le respect d’un préavis raisonnable ».

Il est alors nécessaire que la clause puisse être justifiée par un intérêt légitime, qui peut être celui de la société mais également d’un de ses actionnaires. Dans ce dernier cas, la légitimité ne pourra pas être constatée si la sauvegarde de l’intérêt de ces actionnaires est en conflit avec celui de la société et porte une atteinte disproportionnée à ce dernier[4].

Il est conseillé d’indiquer dans la clause l’intérêt légitime qui justifie l’incessibilité[5].

2.3. Variantes de la clause d’inaliénabilité

La clause d’inaliénabilité peut être totale ou limitée.

La clause est totale lorsqu’elle interdit la transmission de l’intégralité des titres des associés ou des actionnaires.

La clause est limitée lorsqu’elle ne vise que certains associés et/ou lorsqu’elle permet la cession uniquement lors de certaines opérations.

Exemple : La cession n’est permise que si elle a lieu en faveur d’un tiers déterminé[6].

2.4. Application concrète

Il est souvent utile d’avoir recours aux clauses d’inaliénabilité dans les cas suivants[7] :

– À l’occasion de la création d’une filiale commune ou d’une joint-venture, l’utilisation d’une clause d’inaliénabilité peut être utile afin de permettre aux signataires de geler leurs relations ou de s’assurer de la continuité de leur investissement réciproque pendant une période donnée. Ces clauses constitueraient, dans ce cas, la première phase de développement d’un projet commun.

– Dans le cadre d’un financement octroyé par un tiers, par exemple une banque, à une société, la présence de la clause d’inaliénabilité peut encourager le tiers à fournir un tel financement. La clause qui assure une stabilité dans la détention des titres représenterait, dans ce cas, une forme de garantie contre l’insolvabilité de la société.

– L’entrée dans le capital d’une start-up d’investisseurs en capital à risque (« venture capitalists ») est souvent soumise à la condition de s’engager à conserver leur participation pendant toute la durée de démarrage de l’entreprise, durant laquelle la stabilité de l’actionnariat est essentielle.

– Ces clauses peuvent également être utiles dans des opérations de « management buy-out » (rachat d’une entreprise par ses dirigeants ou par ses salariés) à l’occasion desquelles les repreneurs constituent souvent une société holding qui se portera acquéreur des actions de la société cible. Les actions que les repreneurs détiennent dans cette holding sont souvent couvertes par une clause d’inaliénabilité qui interdit leur cession pendant la durée de l’opération.

– Suite à une introduction en bourse, il peut être judicieux d’insérer une clause d’inaliénabilité qui interdirait aux dirigeants et aux principaux actionnaires de la société de céder leurs titres pendant une période donnée afin d’éviter qu’une vente massive de titres ne vienne perturber le marché[8].

3. La clause de standstill

 3.1. Définition

Également nommée « clause de non-agression » ou « clause d’interdiction d’acquérir », la clause de standstill impose à chacun de ses signataires l’interdiction d’acquérir des titres émis par l’autre ou des titres émis par la société dont ils sont tous les deux actionnaires[9].

3.2. Variante de la clause de standstill

Il est possible d’appliquer une variante moins contraignante de la clause de standstill qui impose uniquement aux parties d’informer leurs associés avant toute acquisition des titres visés par la clause[10].

3.3. Application concrète

L’utilité principale de la clause de standstill est de constituer une mesure de protection de la société contre les offres publiques d’acquisition hostile[11].

La clause peut également avoir pour rôle de conserver un équilibre des pouvoirs mis en place par les parties. Cette préoccupation est particulièrement présente dans les sociétés détenues par deux actionnaires possédant chacun 50 % des titres portant droit de vote (forme courante de joint venture). Dans une telle structure, il est crucial de maintenir l’égalité des participations. La clause permet, dans ce cas, de maintenir cette égalité et d’éviter la constitution d’une majorité.

De manière générale, la clause peut être utilisée dans des sociétés ayant un actionnariat structuré différemment que dans l’exemple ci-dessus afin d’éviter soit un renversement de la majorité, soit, au contraire, un renforcement de celle-ci[12].

Ce type de clause est également rencontré dans les contrats préliminaires à un processus d’enchères privées (ou private auction) en vue de l’acquisition d’une entreprise. Suite aux premiers contacts noués entre les actionnaires et les candidats acheteurs, ces derniers devront également conclure un accord de confidentialité et de standstill qui leur permettra d’avoir accès aux données contenues dans une data room. Cette clause permettra au vendeur de s’assurer qu’un acquéreur potentiel ne tire pas profit des informations confidentielles qu’il reçoit pour acquérir une participation dans la société en dehors du cadre de la private auction, par exemple au moyen d’une offre publique d’acquisition hostile[13].

4. La clause d’agrément et la clause de préemption

4.1. Définitions

4.1.1. La clause d’agrément 

La clause d’agrément restreint la cessibilité des titres en subordonnant leur cession à l’agrément préalable d’un ou plusieurs actionnaires, d’un organe (il s’agit généralement de l’organe d’administration) ou d’un tiers[14].

Une clause d’agrément utilisée seule présenterait peu d’utilité. En effet, en cas de défaut d’agrément du cessionnaire proposé, il faudrait que la personne ou l’organe ayant refusé l’agrément trouve rapidement un autre candidat acquéreur, faute de quoi, à l’expiration du délai de 6 mois, les actions redeviendraient cessibles. Cela pourrait alors permettre au cessionnaire initialement évincé d’obtenir les actions une fois qu’elles sont à nouveau cessibles et ainsi devenir effectivement actionnaire[15].

Pour cette raison, les clauses d’agrément sont souvent couplées à un mécanisme de préemption en pratique.

4.1.2. La clause de préemption 

La clause de préemption a pour but d’obliger l’actionnaire qui souhaite céder ses actions à les proposer en priorité à un acquéreur désigné par un autre actionnaire, un groupe d’actionnaires, un organe social ou un tiers[16].

4.2. Conditions de validité

4.2.1. Limitation temporelle

En vertu de l’article 7:78, § 1er, alinéa 3, du CSA, les clauses d’agrément et de préemption ne sont valables que si leur application n’entraîne pas une inaliénabilité de plus de 6 mois à partir de la demande d’agrément ou de l’invitation à exercer le droit de préemption. Il est cependant possible de prévoir un délai plus court que celui fixé par la loi[17].

Le but de cette condition est d’éviter qu’un actionnaire cédant ne reste prisonnier de ses titres pendant une période trop longue[18].

Cette condition de validité basée sur la durée s’apprécie en déterminant le moment où intervient la cession des titres. Le CSA ne comportant pas de disposition légale spécifique permettant d’identifier le moment où la cession a lieu, il faut pour cela se référer au droit commun de la vente[19].

La détermination du moment de la cession varie selon que le prix des actions est déterminé ou déterminable. Le prix est déterminé lorsque son montant a été clairement défini dans la clause. Il est déterminable s’il n’a pas été préétabli dans la clause, mais que celle-ci prévoit que le prix sera établi en fonction d’éléments objectifs permettant d’évaluer la valeur des actions. Le prix est également déterminable s’il est laissé à l’arbitrage d’un tiers.

(i) Détermination du moment de la cession lorsque le prix est déterminé

En application de l’article 1586 du code civil, “[la vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé”. Dans le cas d’une cession d’actions, la vente est alors parfaite à partir du moment où le droit de préemption est exercé à un prix déterminé et que les parties ont marqué leur accord sur ce prix et sur les titres qui seront transférés. Le transfert de propriété a lieu au moment de cet accord, même si le paiement a lieu ultérieurement[20].

Le délai de 6 mois commence alors à courir à partir du moment où le droit de préemption est exercé.

Cette règle ne fait toutefois pas obstacle à une organisation contractuelle du transfert entre les parties, qui pourront prévoir que ce dernier n’aura lieu que contre paiement du prix, ce qui est souvent le cas en pratique[21].

(ii) Détermination du moment de la cession lorsque le prix est déterminable

L’identification du moment de la cession est plus complexe lorsque le prix n’a pas été déterminé dans la clause mais qu’il est seulement déterminable.

En application de l’article 1591 du Code civil : « Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ». Cette disposition a été précisée par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juin 1953 qui indique que la vente d’une chose à dire d’experts non autrement identifiée constituera une vente parfaite seulement si elle contient les éléments de base du calcul du prix ou les éléments par relation avec lesquels le prix peut être déterminé par les experts.

Donc, si l’expert n’a pas été clairement désigné par les parties (qu’elles ne se sont pas mises d’accord sur son nom ou qu’elles n’ont pas prévu une procédure de désignation de cet expert en prévoyant, par exemple, que l’expert sera le président du tribunal de l’entreprise d’un arrondissement judiciaire donné, saisi à la requête de la partie la plus diligente), le prix ne sera pas déterminable et la vente ne sera alors pas parfaite. Elles devront alors au moins fixer les éléments objectifs de base du calcul du prix par l’expert désigné[22].

4.2.2 Absence de motivation du refus d’agrément

En principe, le refus d’agrément ne doit pas être motivé.

Toutefois, lorsque l’agrément est laissé à un organe de la société (ex. conseil d’administration ou conseil de direction) et que ce dernier refuse de l’octroyer, l’exercice de ce pouvoir d’agrément doit respecter l’intérêt social[23].  Seul l’intérêt de la société devra être pris en compte dans cette décision et non celui des actionnaires de la société.

4.3. Variantes de la clause de préemption

Il existe différentes variantes de la clause de préemption :

4.3.1. La clause de « first refusal »

La clause de « first refusal » oblige un actionnaire qui reçoit une offre d’un candidat acquéreur à informer les bénéficiaires de la clause de cette offre. En général, cette information est transmise par l’intermédiaire du conseil d’administration. Les bénéficiaires de la clause auront alors la possibilité d’acheter les titres en priorité par rapport aux tiers[24].

4.3.2. La clause de « first offer »

La clause de « first offer » impose à l’actionnaire qui souhaite céder ses titres de communiquer son intention de les céder au bénéficiaire de la clause, avant même d’avoir trouvé un acquéreur. Les bénéficiaires de la clause pourront alors négocier avec cet actionnaire le rachat de ses titres[25].

Il est possible de combiner les clauses de « first offer » et de « first refusal » afin de permettre à l’actionnaire qui souhaite céder ses titres de rechercher un acquéreur potentiel dans le cas où les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le prix avec les bénéficiaires du droit de « first offer ». Lorsqu’un candidat a été trouvé, l’actionnaire cédant ses titres devra alors offrir ses titres en priorité aux bénéficiaires de la clause de « first offer » qui auront également, à cette occasion, un droit de « first refusal »[26].

4.3.3. La clause « d’offre concurrente » ou clause « anglaise »

La clause d’offre concurrente permet à l’actionnaire qui souhaite céder ses titres de les vendre de manière provisoire au bénéficiaire de la clause jusqu’à ce qu’il trouve, dans un délai déterminé, un tiers offrant un meilleur prix. Si ce tiers est trouvé, le bénéficiaire de la clause disposera d’un délai pour s’aligner sur le prix offert par le tiers[27].

4.4. Application concrète

Les clauses d’agrément et de préemption combinées sont souvent utilisées soit pour assurer la stabilité de l’actionnariat d’une société, soit pour contrôler les conséquences du retrait d’un actionnaire tout en évitant à ce dernier de rester « prisonnier » de ses titres[28].

Ces clauses ont alors pour but d’éviter l’entrée d’un tiers indésirable dans le capital. Le tiers serait indésirable du fait qu’il ne fasse pas partie de la famille (pour les sociétés ayant un fort caractère intuitu personae), que sa solvabilité soit douteuse, ou qu’il puisse s’agir d’un concurrent[29].

5. La clause de sortie conjointe (droit de suite)

5.1. Définition

La clause de sortie conjointe, aussi appelée clause de « remorquage » ou de « tag along », offre à ses bénéficiaires un « droit de sortie » ou un « droit de suite ». Elle permet à ces derniers, qui sont généralement des actionnaires minoritaires, de vendre concomitamment leurs titres au même prix et aux mêmes conditions que le cessionnaire des titres de l’actionnaire cédant [30].

Les bénéficiaires de la clause auront alors le choix entre céder leurs titres au cessionnaire ou rester dans la société[31].

Déroulement de la procédure :

Lorsqu’un associé a l’intention de céder ses titres ou lorsqu’un tiers qui souhaite acquérir ses titres lui fait une offre, il devra notifier son intention ou cette offre aux bénéficiaires de la clause. Il indiquera dans sa notification les conditions d’achat des titres, le nombre de titres cédés, le prix ainsi que les conditions et les modalités de cession[32].

Dans un délai préalablement fixé dans la clause, le bénéficiaire pourra ensuite exercer son droit de suite et vendre ses titres au cessionnaire de la clause[33].

Attention, le tiers cessionnaire ne pourra néanmoins pas être légalement tenu d’acquérir les titres du bénéficiaire de la clause[34].

5.2. Variantes de la clause de sortie conjointe

– Bien que le tiers ne soit pas tenu d’acheter les titres, il est possible de prévoir dans la clause de sortie conjointe que le cédant « mettra tout en œuvre » ou « fera ses meilleurs efforts » pour convaincre le tiers d’étendre son offre et d’acquérir également les actions du bénéficiaire de la clause[35].

Il est également possible de prévoir qu’il ne sera pas permis à l’actionnaire majoritaire de céder sa participation s’il ne parvient pas à obtenir de l’acquéreur qu’il étende son offre aux actionnaires bénéficiaires du droit de suite[36].

– La clause de sortie conjointe peut être modulée pour prévoir différentes modalités de sortie. La sortie peut ainsi être simultanée, prioritaire, totale ou partielle[37].

(i) Sortie simultanée ou prioritaire

La clause de sortie conjointe prévoit une sortie simultanée lorsque le bénéficiaire dispose de la liberté de choisir de céder tout ou partie seulement de ses titres.

La clause de sortie prioritaire permet aux parties de mettre en place un ordre de priorité dans la sortie des bénéficiaires[38].

(ii) Sortie totale ou proportionnelle

La clause de sortie proportionnelle permet aux bénéficiaires de céder seulement une partie de leurs actions plutôt que toutes leurs actions.

En pratique, cette clause est utilisée en fonction de la situation dans laquelle se trouve l’actionnaire majoritaire suite à son application. Par exemple, si suite à la cession l’actionnaire majoritaire perd sa majorité, le tiers acquéreur devra acheter la totalité de la participation du bénéficiaire afin que l’actionnaire majoritaire puisse conserver sa majorité après la cession.

À l’inverse, toujours dans une optique de conservation de l’équilibre initial, il peut être prévu que le bénéficiaire de la clause cède, à due proportion, une partie de ses titres. Dans ce cas, la clause prévoira par exemple que l’actionnaire qui souhaite céder 10 % de ses actions doit faire en sorte que 10 % des actions des autres actionnaires soient également acquises par le tiers cessionnaire[39].

5.3. Application concrète

La clause de sortie conjointe est particulièrement utilisée dans les pactes d’actionnaires, dans le cadre de joint-ventures. De manière générale, cette clause a pour effet de rendre la cession des actions plus difficile en pratique. En effet, un cessionnaire potentiel qui serait disposé à acquérir une participation importante dans la société pourrait être démotivé par le coût additionnel que représente l’achat de toutes les actions[40]. Cette clause marque dès lors le caractère intuitu personae d’une société en indiquant qu’un accord a été formé précisément parce qu’une personne en particulier y a été partie[41].

Le recours à cette clause peut aussi être utile en cas de cession d’un bloc d’actions qui ne représente pas nécessairement une participation de contrôle ou qui n’entraîne pas nécessairement une perte du contrôle. Dans ce cas, la clause pourrait s’appliquer lors d’une cession d’un bloc dont la hauteur est fixée par la convention (25 %, par exemple)[42].

6. L’obligation de suite

6.1. Définition

Il est possible de prévoir dans les statuts ou dans une convention d’actionnaires une clause inverse à la clause de droit de suite : la clause d’obligation de suite ou de « drag along ». Cette clause permettra au cédant de contraindre les autres actionnaires à vendre leurs titres au même moment que lui, afin que le tiers acquéreur puisse obtenir 100 % des actions de la société.

6.2. Application concrète

Alors que le droit de suite vise à protéger l’actionnaire minoritaire, l’obligation de suite a plutôt pour finalité d’assurer l’intérêt de l’actionnaire majoritaire afin de lui permettre de maximiser le prix de cession de ses actions à des tiers[43].

En général, la cession des actions de l’actionnaire minoritaire se fera à un prix et dans des conditions similaires à celles de la cession des actions de l’actionnaire majoritaire. L’actionnaire minoritaire bénéficiera le cas échéant d’une prime de contrôle payée par le tiers[44].

Pour l’acquéreur, la clause d’obligation de suite lui permet d’obtenir la totalité des titres d’une société et ainsi d’éviter de composer avec les actionnaires minoritaires[45].

7. Conclusion

Les clauses restreignant la cessibilité des titres jouent un rôle crucial dans les contrats commerciaux et les accords d’investissement. Leur complexité réside dans la manière dont elles peuvent être rédigées.

Elles peuvent avoir une portée restrictive ou plus souple, en fonction des besoins et des préférences des parties impliquées.

Ces clauses peuvent en effet comporter différentes nuances qui les différencient les unes des autres, le but étant de parvenir à un équilibre entre la protection des intérêts légitimes des actionnaires ou de la société et la préservation de la liquidité des titres.

Des restrictions trop importantes pourraient dissuader les investisseurs potentiels et rendre les titres moins attrayants sur le marché, alors qu’un manque de restrictions adéquates pourrait compromettre la stabilité de la société.

 

[1]    Coibion, A., « Section 2 – Typologie des clauses organisant le transfert des titres » in Les conventions d’actionnaires en pratique, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2010, page 58.

[2]   É. POTTIER, Le nouveau droit des sociétés en pratique, Limal, Anthemis, 2021, page 26.

[3]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 27.

[4]    op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 31.

[5]   Ibidem.

[6]La clause d’inaliénabilité (lecoindesentrepreneurs.fr)

[7]    op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 28.

[8]   Ibidem.

[9]   op.cit, Coibion, A., « Section 2 – Typologie des clauses organisant le transfert des titres », page 63.

[10]  op.cit, Coibion, A., « Section 2 – Typologie des clauses organisant le transfert des titres », page 64.

[11]  Ibidem.

[12]  Ibidem.

[13]   Ibidem.

[14]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 31.

[15]    op.cit, Coibion, A., « Section 2 – Typologie des clauses organisant le transfert des titres », page 61.

[16]    op.cit, Coibion, A., « Section 2 – Typologie des clauses organisant le transfert des titres », page 59.

[17]    op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 34.

[18]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 33.

[19]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 35.

[20]  Ibidem.

[21]  Ibidem.

[22]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 36.

[23]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 37.

[24]   Ibidem.

[25]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 32.

[26]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 33.

[27]   Ibidem.

[28]   op.cit, Coibion, A., « Section 2 – Typologie des clauses organisant le transfert des titres », page 62.

[29]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 33.

[30]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 52.

[31]  Ibidem.

[32]  Ibidem.

[33]  Ibidem.

[34]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 53.

[35]   Ibidem.

[36]    op.cit, Coibion, A., « Section 2 – Typologie des clauses organisant le transfert des titres », page 65.

[37]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 59.

[38]   Ibidem.

[39]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 60.

[40]    op.cit, Coibion, A., « Section 2 – Typologie des clauses organisant le transfert des titres », page 67.

[41]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 59.

[42]    op.cit, Coibion, A., « Section 2 – Typologie des clauses organisant le transfert des titres », page 67.

[43]   op.cit, É. POTTIER, « Le nouveau droit des sociétés en pratique », page 60.

[44]   Ibidem.

[45]    op.cit, Coibion, A., « Section 2 – Typologie des clauses organisant le transfert des titres », page 66.

Résoudre les conflits entre actionnaires : guide pratique

Introduction à la gestion des conflits entre actionnaires

Lorsque des conflits surviennent au sein de l’actionnariat d’une société, mais que cette dernière reste économiquement viable, il peut être recommandé d’intenter une action en exclusion ou en retrait pour débloquer la situation.

Ces actions constituent alors une alternative à la dissolution judiciaire pour juste motif.

L’action en exclusion : pour protéger l’intérêt de l’entreprise

L’action en exclusion a pour but de protéger l’intérêt de la société en excluant de cette dernière l’actionnaire à l’origine du différend.

L’action en retrait : pour protéger l’intérêt de l’actionnaire

L’action en retrait permet à un actionnaire d’en contraindre un autre à lui racheter l’ensemble de ses titres. La finalité de l’action en retrait n’est alors pas de protéger l’intérêt de la société, mais celui de l’actionnaire qui l’intente.

Actions réservées aux SA et SRL

Ces deux actions ne sont possibles que dans les sociétés anonymes (SA) et les sociétés à responsabilité limitée (SRL).

Conditions pour initier une action d’exclusion ou en retrait entre actionnaires

Action en exclusion: conditions préliminaires

Conformément à l’article 2:63 du Code des sociétés et des associations (CSA), les actionnaires souhaitant introduire une action en exclusion doivent détenir ensemble:

– des titres représentant 30 % des voix attachées à l’ensemble des actions (pour les SA et les SRL) ;

– des actions dont la valeur nominale ou le pair comptable (c’est-à-dire le montant du capital divisé par le nombre total d’actions) représente 30 % du capital de la société (pour les SA uniquement) ;

– des titres auxquels 30 % des droits aux bénéfices sont attachés (pour les SRL uniquement).

Justifier l’action en exclusion : les justes motifs

Toujours en vertu de l’article 2:63 du CSA, l’action en exclusion peut uniquement être intentée pour de “justes motifs”.

Il y a juste motif lorsque le maintien dans la société de l’actionnaire envers qui l’action en exclusion est dirigée met en danger la continuité de celle-ci.

Il ne faut alors pas nécessairement que le motif invoqué soit un comportement fautif ou illégal. Toutes les situations qui entravent la poursuite normale des affaires sociales peuvent ainsi constituer des justes motifs (CSA, article 2:73).

Les justes motifs peuvent par exemple être constatés dans les cas suivants :

– un actionnaire ou un associé manque gravement à ses obligations ;

– la mésentente grave et durable des actionnaires ou des associés (CSA, article 2:73) ;

– abus de biens sociaux ;

– refus d’une augmentation de capital qui met la société en difficulté.

L’actionnaire introduisant l’action en exclusion doit être en mesure de prouver ces justes motifs d’où la nécessité de documenter ceux-ci (e-mails, courriers, procès-verbaux d’assemblées générales etc.).

Les justes motifs causant un préjudice personnel dans l’action en retrait

Dans le cadre d’une action en retrait, les justes motifs doivent avoir causé un préjudice personnel à l’actionnaire qui l’intente.

Exemples :

– l’absence systématique de convocation à l’assemblée générale ;

– l’attribution d’une rémunération particulièrement élevée aux administrateurs de la majorité ;

– la non-distribution de dividendes pendant plusieurs années alors que la société dispose de suffisamment de réserves distribuables qui ne lui sont pas utiles ;

– l’impossibilité pour les actionnaires d’exercer leur droit à l’information et au vote .

Ici encore, l’actionnaire introduisant l’action en retrait doit être en mesure de prouver ces justes motifs.

Ce dernier veillera donc à conserver tous les éléments de preuve (e-mails, procès-verbaux d’assemblées générales etc.)

Action en exclusion: restrictions de transfert des actions pendant le conflit

Si une action en exclusion est intentée, il sera interdit au défendeur d’aliéner ses titres pendant toute la durée de la procédure, sauf si le juge ou les parties à la cause ont marqué leur accord pour que les titres soient aliénés (CSA, article 2:65).

Il n’y a pas d’interdiction similaire dans le cadre de l’action en retrait.

Prévenir les conflits entre actionnaires : conseils utiles

Bien que les conflits d’actionnaires puissent être complexes à gérer, avoir une bonne compréhension des procédures d’exclusion et de retrait, ainsi que leur mise en application judicieuse, peut s’avérer crucial pour la survie et le succès d’une société.

Un aspect essentiel à considérer est l’insertion de clauses préventives dans les statuts de la société ou dans une convention d’actionnaires. Par exemple, vous pouvez envisager :

Utilisation d’une option d’achat en cas de blocage

Une clause statutaire peut conférer une option d’achat aux actionnaires en cas de blocage lors d’une assemblée générale. Cela signifie qu’un actionnaire peut être autorisé à racheter les actions de l’autre en cas de désaccord majeur.

Recours à la médiation pour résoudre les conflits

Une clause de médiation peut aider à résoudre les conflits avant qu’ils n’atteignent un point critique et éviter ainsi le recours à une action en exclusion ou en retrait.

Prévoir une clause d’évaluation des actions dans les statuts

De plus, si malgré ces mesures, une action en exclusion ou en retrait devient nécessaire, il peut être judicieux de prévoir une clause d’évaluation des actions dans les statuts. Cette clause devrait préciser la méthode d’évaluation de la valeur des actions au cas où le juge déciderait que les actions d’un actionnaire doivent être rachetées.

Consultez un professionnel

En raison de la complexité de ces problématiques, il est fortement recommandé de consulter un professionnel du droit des sociétés pour obtenir des conseils adaptés à votre situation spécifique.